Tout d’abord la CFDT regrette que le Président du groupe Air France n’ait pas jugé utile de venir défendre le projet Boost, mesure phare de son plan Trust together, à cette session de CCE.

Certes, les discussions avec les syndicats pilotes ont duré de longs mois, mais il aurait pu condescendre, dans cette dernière ligne droite, à venir porter son projet devant les élus de la session qui représentent notamment toutes les autres catégories de salariés. Dont acte.

La CFDT l’a souvent dit, le statu quo dans lequel s’enlise notre Compagnie depuis plusieurs années est mortifère. Nous avions rejeté le plan d’attrition en 2015, l’annonce du projet Boost, en tant que projet de croissance pour le groupe marquait donc un tournant positif. Cette dynamique retrouvée, même imparfaite, est attendue par les salariés d’abord, mais aussi par les investisseurs.

Sur le plan Marketing, nous pensons que cette nouvelle compagnie, et sa nouvelle marque, même si nous n’en connaissons pas le nom, sont de nature à cibler des segments de clients que la marque Air France n’attire pas. C’est un pari !

Cette nouvelle marque, en prenant les codes actuels et en ciblant notamment les millenials, compléterait avec pertinence l’offre du groupe à côté d’Air France qui a une image plus luxueuse, plus chère, plus traditionnelle, avec l’ambition de fidéliser ces nouveaux clients au bénéfice de toutes les marques du groupe AF.

Nous espérons que l’équipe projet a su intégrer des jeunes talents, millenials eux-mêmes, audacieux, inventifs et maîtrisant ces nouveaux codes comportementaux et sociétaux. Un positionnement marketing réussi et qui “fait le buzz” est une des clés de la réussite.

Nous supposons également que le choix des lignes opérées par la nouvelle compagnie sera guidé d’abord par les critères de potentiel commercial et d’adéquation avec la clientèle ciblée.

Concernant la mise en oeuvre du projet, incluant les discussions autour du volet social, la CFDT, avait demandé l’ouverture de négociations intercatégorielles. Mais il est vrai qu’elle était un peu seule…

En effet, il n’y a aucune justification morale, juridique ou politique à réserver le privilège de négocier la stratégie et l’avenir d’une entreprise, et de ses personnels, à une seule catégorie de salariés, les pilotes, et au profit d’abord de celle-ci.

Cette demande a été balayée d’un revers de main par la Direction, qui a choisi de renouer avec les bonnes vieilles habitudes de l’Entreprise, à savoir la négociation exclusive avec les syndicats de pilotes.

La CFDT a pris acte des engagements de la direction d’assurer le traitement sol (escales, commercial, supports, maintenance, cargo) par les salariés Air France, engagements qu’elle entend bien voir scrupuleusement respectés.

La CFDT pensait que sur le volet PNC, des négociations étaient souhaitables, voire utiles. On aurait pu réfléchir par exemple à un parcours PNC groupe, ou des passerelles au volontariat… trop compliqué, sans doute, superflu même, vous avez préféré concentrer vos efforts sur la partie PNT.

Au bout de 6 mois de négociations, le projet d’accord Boost est finalement mis à signature.

Le projet s’appuie sur le strict volontariat des pilotes pour aller voler dans la nouvelle compagnie. Les négociateurs n’ont pas prévu de clause en cas d’insuffisance de volontaires.

Nous en avons déduit que l’offre était si motivante, si susceptible d’intéresser les pilotes (nouvelles qualifications machines, promotions commandant de bord, etc…) qu’elle se suffisait à elle-même. Tant mieux pour eux !

En matière de gouvernance, et à l’instar de ce qu’elle a déjà mis en place chez Transavia, nous notons la contractualisation d’une forme de cogestion dans les conseils de surveillance, innovation sociale que vous réservez aux seuls pilotes, cela va sans dire.

En matière d’espérance de recettes, la suppression des toilettes privatives des pilotes permettant d’augmenter le nombre de sièges (2 sièges business de plus sur l’A340, 2 sièges business et 4 sièges éco sur l’A350) est effectivement significative. Heureusement !

En terme de production balance, (équilibre entre AF et KLM), Les pilotes et la Direction de KLM n’ont pas été associés aux négociations. Cet accord Boost est donc un engagement bilatéral entre la Direction AF et les syndicats pilotes AF.

La présence du Président Janaillac, qui est aussi Président du groupe AFKL aurait permis d’expliquer comment vous comptez le respecter et comment sera financée la croissance d’Air France prévue dans ce chapitre.

Mais est-ce utile en fait ? Nous avons particulièrement “apprécié” les indemnités prévues pour les seuls pilotes en cas de non-respect des références d’heures de vol et de SKO contenues dans l’accord. Déclinaison intéressante du concept “qui perd gagne”…

D’un point de vue financier, Boost pourrait effectivement être un signal positif non négligeable d’agilité donné aux investisseurs potentiels.

D’un point de vue économique, Boost n’est évidemment pas le projet miracle. L’ambition initialement affichée nous convient pour autant, nous avons de sérieuses réserves sur le processus des négociations et sur l’efficacité économique finale du projet. Ce processus ressemble à celui du projet “bases province”, projet qui a été qualifié de “réussite opérationnelle mais désastre économique (sic)” et abandonné.

Mais la répartition des quelques bénéfices attendus étant d’ores et déjà organisée, avec un cynisme consommé, au profit principal d’une catégorie de salariés, les pilotes, la CFDT votera finalement (et à regret) contre ce projet.

Béatrice Lestic, RS CCE et Secrétaire Générale de la CFDT groupe Air France.