Comme la société, les entreprises évoluent au rythme des nouvelles technologies. Sans cesse, elles doivent se remettre en question, s’adapter, changer d’orientation stratégique, renouveler leurs managers, mais aussi transformer leur environnement professionnel.
Face à ces boule- versements incessants, les séniors, maillon faible d’une chaîne qui se veut de plus en plus jeune et performante, sont dans le collimateur des entreprises parce que chacun sait qu’il s’agit d’une variable d’ajustement facile à manipuler. S’il est vrai qu’avant 45 ans, les salariés ne se posent pas la question de savoir si ces pratiques « d’ostracisation » existent, il faut savoir qu’il est facile pour une entreprise de faire partir ceux qui commencent à avoir la tempe grisonnante, en vidant leur poste de tout intérêt. C’est ce que les spécialistes en RH appellent le « job vacuum ».
Il existe également de nombreuses méthodes facilitant la « placardisation » des anciens. Une restructuration, une fusion, un changement de directeur, voire de manager, suffit à modifier les règles du jeu et fragiliser ainsi les plus âgés. Le comble de l’ironie étant qu’un parcours exceptionnel ou un professionnalisme reconnu ne protège plus contre une mise au placard. La technique est simple et éprouvée : il s’agit de faire disparaître le cadre ou l’agent des écrans radars, de le séparer de ses anciens collègues, de le priver d’informations, de lui proposer une simple mission et de lui confier des tâches qui ne correspondent pas à ses qualifications, en d’autres termes, de l’isoler socialement. La plupart de ceux qui subissent ces humiliations éprouvent d’abord un sentiment de honte, d’incompréhension, puis pour certains craquent et se retirent petit à petit de l’entreprise en s’obstinant dans un déni qui consiste à dire pudiquement à ses collègues : « Ma santé justifie maintenant que je parte ! ».
La pression qu’ils subissent les conduit le plus souvent à avaler toutes sortes de médicaments (somnifères, anxiolytiques…) ou même, pour certains, à consulter un psychiatre. D’autres préfèrent chercher à négocier avec l’entreprise une séparation à l’amiable, afin de compenser un dé- part prématuré qu’ils n’ont en aucun cas choisi.
Plus rares sont ceux qui passent outre ces pratiques « d’ostracisation » et décident malgré tout de rester dans l’entreprise jusqu’à l’âge de 70 ans, comme la loi les y autorise. La plupart du temps, ces vétérans ne le font pas pour battre un record de longévité dans l’entreprise, mais sou- vent parce que les besoins ou les hasards de la vie peuvent justifier ces temps de prolongation, dont ils se seraient bien passés.
Ce qu’il faut savoir, c’est que la moyenne d’âge à Air France est de 48,5 ans et que 47 % de la population correspond à la tranche d’âge 48/67 ans. Il est donc urgent que notre entreprise change ses comportements à l’encontre des séniors et arrête de les placardiser, voire de pratiquer certaines formes d’exclusion. D’autres entreprises comme la Barclays, BNP PARIBAS, Areva ou Aviva ont su s’engager avec succès dans une politique en faveur de leurs séniors. Là encore, il nous faut sortir de l’injonction contradictoire : on ne peut pas d’un côté, prôner le rallongement des carrières (gouvernement) et de l’autre vouloir se séparer de ses salariés les plus anciens (entreprises). Les Séniors doivent être respectés, au même titre que leurs collègues plus jeunes. Si l’on ne savait pas faire vivre, au sein de l’entre- prise, ces valeurs cardinales que sont le respect, la bienveillance et la transmission d’une culture, il serait vain d’attendre des résultats probants en termes de cohésion, de comportement ou d’engagement. La CFDT Air France ne peut pas rester insensible à des situations parfois difficiles. Elle ne peut pas risquer de voir certains sombrer dans la dépression, dévorés par un sentiment d’inutilité et de non reconnaissance de leur entreprise alors même qu’ils ont largement contribué, durant plu- sieurs décennies, à son succès. Ce n’est pas d’un nouvel accord sur les Séniors dont nous avons besoin ! C’est tout simplement d’une prise de conscience de nos Ressources Humaines et de nos DRH, ainsi que de certains managers de proximité qui croient que le jeunisme serait la meilleure garantie contre l’échec.
En cela, nous en appelons à nos dirigeants Ben Smith et Anne Rigail, afin qu’ils interviennent pour stopper ces dérives discriminatoires et ces nouvelles formes de ségrégation par l’âge. Chacun dans l’entreprise, jeune ou vieux, devrait se souvenir des vers de Pierre Corneille écrits à un âge déjà avancé :
« Le même cours des planètes Règle nos jours et nos nuits On m’a vu ce que vous êtes Vous serez ce que je suis. »
Votre équipe CFDT Siège & CI et IS.OA
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