« LA FRANCE A BESOIN D’APAISEMENT »

par Laurent Berger

Secrétaire général de la Confédération CFDT

Devant les images du DRH d’Air France obligé de fuir le comité central d’entreprise sous les coups, j’ai été, comme beaucoup, saisi par l’indignation. Mais aussi par la colère ; parce que ces violences inadmissibles n’apportent aucune solution pour les salariés d’Air France ; et parce qu’elles confortent les détracteurs du dialogue social. Et ils sont nombreux. C’est une partie de la classe politique, qui, sous couvert d’une vision « moderne » de la société, défend en fait un projet autoritaire qui priverait les salariés de la possibilité de se défendre et de s’organiser entre eux.

C’est aussi une partie du patronat, qui voit dans le dialogue social un obstacle au fonctionnement de l’entreprise, et une remise en cause de son pouvoir. Prisonniers d’une vision court termiste, ces dirigeants-là ne comprennent pas que le dialogue social est un levier de performance durable.

Et pourtant, de nombreux exemples le prouvent, même s’ils ne font pas la une des journaux. Dans les entreprises en crise, comme dans les entreprises en croissance, le dialogue social, quand il est loyal, est porteur de solutions et de résultats.

Mais cela n’est possible que si chacun, direction comme représentant des salariés, est capable d’aller au-delà des postures pour reconnaître la légitimité de l’autre, même si les intérêts sont différents, et pour trouver des solutions communes.
« Il faut dénoncer l’attitude, pas la méthode ! »

On l’a vu à Air France ; la situation s’est bloquée et chacun a durci ses positions initiales. Y compris parce qu’une certaine conception du syndicalisme, corporatiste et irresponsable, a mis fin à toute possibilité de dialogue. Ici comme souvent, c’est l’attitude des acteurs qu’il faut dénoncer, pas la méthode ! Il n’y a pas d’autres méthodes que le dialogue pour trouver des solutions durables à des situations complexes, et faire de vrais choix collectifs. Il n’y a pas d’autres voies que la négociation.

Négocier, cela demande d’établir un rapport de force, mais aussi des relations de confiance et de loyauté, d’amener des propositions et de construire des compromis. Pour négocier, il faut des acteurs. Si le rôle des syndicats est inscrit dans la Constitution, c’est qu’ils sont porteurs d’une mission d’intérêt général.

Sans organisation collective, le salarié est seul face à son employeur, dont il dépend pour gagner sa vie. Sans une représentation syndicale qui concilie les intérêts catégoriels, c’est le choc des corporatismes au sein de l’entreprise ; cadres contre ouvriers, pilotes contre personnel au sol… Et c’est toujours les plus fragiles qui trinquent. On peut vouloir se passer des syndicats, mais il faut bien comprendre ce que cela implique : le chacun pour soi et la loi du plus fort dans l’entreprise, et davantage de conflictualité.

Dire cela, c’est aussi reconnaître l’immense responsabilité qui nous incombe, en tant que syndicalistes, d’être à la fois proches des salariés, engagés dans le dialogue et force de propositions. C’est avec cet esprit de responsabilités que des centaines de milliers de militants CFDT agissent au quotidien dans les entreprises. Le dialogue social, c’est la seule façon d’aller vers une société plus apaisée, qui sait affronter les difficultés sans se déchirer.

Parlons-nous !